mardi 21 août 2012

L'I.P.K.D. présenté au Conseil Economique et Social de Nouvelle-Calédonie

Le 13 juin 2012, l'inventaire du patrimoine kanak dispersé (IPKD) a été présenté en séance plénière du Conseil Économique et Social de Nouvelle-Calédonie par Monsieur Emmanuel KASARHEROU, conservateur en chef du patrimoine & chargé de mission à l’Outre-Mer du musée du Quai Branly, accompagné de Monsieur Emmanuel TJIBAOU, directeur du Centre culturel Tjibaou et de Madame Marianne TISSANDIER, conservatrice-restauratrice au musée de Nouvelle-Calédonie.

Photo CES tous droits réservés


Plus d'informations et de photographies en cliquant ici.

lundi 20 août 2012

Le Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen

Le Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen.
Ancien couvent des sœurs de la Visitation de Sainte Marie (1680-91), le Muséum est créé en 1828 par Felix Archimède Pouchet, dont le buste de marbre surveille l’escalier donnant accès aux salles d’exposition. Ouvert au public en 1834, son successeur Georges Pennetier fut conservateur durant 50 ans, il inventa le diorama dans les musées : singes et gorilles empaillés devant un décor peint de savane africaine, hérons dressés au milieu des roseaux et ce qui fit la nouveauté, la ferme normande avec un diorama sur fond de la ville de Rouen… Et des vitrines à petits bois. Nostalgie… 

L'entrée du Muséum d'Histoire Naturelle de Rouen. Photo Roger Boulay (Tous Droits réservés)

L’escalier n’a sans doute pas changé depuis 1834. Ses murs recevant les massacres, les trophées, les boites à spécimens de fruits et de graines, collections diverses sous leurs verres protecteurs.

Puis en haut d’un escalier en colimaçon, le pont supérieur : on trouve les crânes et les fœtus ; une porte encore pour la salle d’ethnologie. Le grand bric à brac : Pirogue maori, vitrines par aires géographiques et, dans sa vitrine, seule depuis l’exposition Universelle, la samoane frappant le tapa. Ses voisins sont muets : squelettes montés de quelques marsupiaux ou mammifères. Tous enduits d’un gris velouté que je pensais être une poussière ancestrale. Mieux ! Cette coloration est la conséquence d’un siècle de chauffage des salles aux poêles à charbon. On imagine les gardiens secouant le cendrier de chaque calorifère tous les matins d’ouverture.
"La Samoane battant le tapa". Photo Roger Boulay (Tous Droits réservés)

Les tables vitrées surmontant les meubles à tiroirs, croulent sous des alignements de produits de l’industrie lithique des paléos et des néos : les haches, les lames, les éclats et face à ces marqueurs du progrès des civilisations des temps antédiluviens deux panoplies dont le texte calligraphié au Ripolin des sixties indique « objets des sauvages de la préhistoire contemporaine » et « les survivances de la préhistoire » où l’on voit quelques herminettes kanak.
Une des rares panoplies du 19ème siècle étant parvenue jusqu'à nous. Photo Roger Boulay (Tous Droits réservés)

Vitrine n° 15 : La Nouvelle Calédonie. On y trouve un arrangement façon panoplie d’armes incluant clous et fil de fer… Tout ça ne semble pas avoir été touché depuis 1890. Et cette permanence sur les objets « exotiques » des appellations antiques : « apouéma », « toquis », « bâton de commandement », « noula noula », « trône ». En ce XIXème siècle on voit un foisonnement de lieux communs pour toutes les descriptions des objets des sociétés humaines face à la grande précision des nomenclatures des spécimens d’histoire naturelle. 

Le premier objet kanak rentré pourrait être d’après le registre un écheveau de poils de roussette donné par Lennier (conservateur du Muséum du Havre) le 7 septembre 1873. Suivent en 1875 les objets de la belle collection Rumeau, puis en Juillet 1897 la collection P.E.Faucon (don), suivie en septembre de la collection Barbé (achat). En 1901 Auguste Vercoutre (don), Faucon encore en 1903 accompagné du don de madame veuve Knieder complètent la collection d’objets de Nouvelle Calédonie.

Roger Boulay

Toute l'équipe de l'I.P.K.D. adresse ses sincères remerciements à messieurs Sébastien Minchin, directeur du Muséum d'Histoire Naturelle de Rouen, et Thierry Kermanach.

jeudi 16 août 2012

Lexique des objets kanak que l'on trouve dans les musées

Afin de pouvoir plus simplement s'y retrouver parmi les termes qui seront utilisés sur ce blog, voici quelques explications (cliquer sur les termes en couleur pour voir des images des objets en question).


De toutes les sculptures de la grande case kanak, la flèche faîtière est à la fois la plus importante et la plus fonctionnelle. Dans la construction des cases rondes, le travail de finition de la couverture au niveau du faîtage est une opération délicate car de la position de ce dernier dépend son étanchéité. Il s'agit de resserrer la dernière rangée de paille autour d'un axe sommital, donc soit directement autour de l'extrémité du poteau central, soit contre le pied d'une sculpture faîtière qui vient s'insérer dans la corbeille, à l'alignement du poteau central.
La flèche faîtière mesure en moyenne 2,50m. Elle est constituée d'une pièce de bois allongée, monoxyle sur laquelle on peut distinguer trois parties : en bas, le pied, au milieu, le motif et en haut l'aiguille, sur laquelle des coquillages sont enfilés. Le pied d'une longueur d'au moins 1m est épointé à son extrémité afin de permettre son implantation. Une fois le pied installé dans le dispositif faîtier et recouvert par la paille, seules les deux autres parties émergent du sommet de la case.


Placées de part et d'autre de la porte de la grande case kanak, ces deux pièces sculptées ne sont pas vraiment des chambranles mais plutôt des appliques. Elles ont pour utilité de plaquer contre les parois l'extrémité des lattes et gaulettes qui soutiennent le chaume ou les peaux de niaouli autour des murs de la case.
Leur largeur diffère selon la région (étroits dans l'aire Paicî, plus larges au Nord et sur la côte Est). Le dos des chambranles est légèrement incurvé afin de faciliter leur application contre la paroi. Ces pièces portent parfois, comme les flèches faîtières, des traces de dégradations rituelles (nez cassés, entailles, trous).
 
La "monnaie" kanak, loin d'être un simple moyen de paiement, est toute entière une image des ancêtres. Elle a une "tête" qui peut être sculptée ou tressée, et un "pied" constitué d'une touffe de poils de roussette. Le chapelet de perles est sa "colonne vertébrale" ou "corps". La monnaie est généralement enveloppée d’un étui traditionnellement fait de tapa (liber d'écorce battu) et de poils de roussette tressés. Certaines monnaies sont également protégées dans des étuis rigides en bois sculpté.
Ni équivalent universel, ni moyen de circulation, ni même unité de compte, la monnaie de perles kanak est, selon l'heureuse expression de Maurice Leenhardt, un "sceau". Sa valeur se manifeste dans la marque éminente qu'elle imprime aux échanges cérémoniels et aux diverses relations sociales que ces derniers sanctionnent : non seulement naissance, rites de l'enfance et de la puberté, mariage, funérailles mais aussi jadis alliances guerrières, prix du sang versé, compensations réparatoires pour les fautes commises, etc. La monnaie est à la fois l'incarnation et la mesure de la loi qui régit les rapports entre les hommes, et entre ceux-ci et le cosmos.

La hache bwa vaïk (en langue Nemi, littéralement : "casse-tête de pierre") était un objet de richesse lié aux échanges entre chefferies. Symbole de la puissance, cet objet n'avait d'autre fonction que d'exalter la puissance du clan, d'élever le prestige de l'orateur qui la brandissait durant son discours, ou celui du guerrier qui s'en parait pour aller au combat... Les maîtres de la pluie l'utilisaient aussi pour frapper rituellement le soleil.
La lame de la hache, ovale et aux bords très fins, est généralement faite de serpentine ou de néphrite. Elle est munie de deux trous à sa base, permettant de la relier au manche, par des tresses de poils de roussette et de fibres végétales. Le manche en bois est souvent enveloppé de tissu de coton européen, ou de tapa pour les haches les plus anciennes, par-dessus lequel figure un tressage complexe, en chevrons, de fibres de coco. La base du manche peut être sculptée ou se terminer par un socle fait d’une demi-noix de coco renfermant des éléments à fonction magique. Ce socle est généralement lui aussi enveloppé de tissu, puis d’un tressage en chevrons de poils de roussette, parfois orné de tresses arrondies garnies de coquillages, disposées autour du manche. 

Il est difficile de dire si les bambous gravés correspondent à une tradition reculée. Ils sont signalés dans les écrits dès la fin du 18ème siècle, et la plupart de ceux que nous connaissons aujourd'hui ont été collectés entre 1850 et 1920. Le bambou, qui entre dans la fabrication d'objets très variés, est ici un support de langage. Il peut être gravé de motifs variés, retraçant des scènes de la vie quotidienne (pêche, chasse et travaux des champs) ou des cérémonies coutumières et des événements marquants (marchés traditionnels, deuils, mariages ou guerres). On y trouve aussi des éléments évoquant les contacts avec les premiers Européens: chevaux, bateaux, fusils, maisons coloniales, soldats, hommes et femmes européens.

Les bracelets en cône servent de "bague de mariage" pour les femmes. Dans certaines régions du Nord Est de la grande terre, le bracelet est offert à une petite fille dès son jeune âge, afin de la promettre en mariage. Ils pouvaient être décorés d'une tresse en poils de roussette, terminée par des coquillages contenant des herbes magiques permettant la conquête amoureuse ou la protection contre les sorciers.

L'usage de massues pour la guerre et les danses est répandu dans toute la Nouvelle-Calédonie. La diversité de leurs formes correspond moins à des fonctions différentes qu'à l'affirmation de styles régionaux. Chaque groupe sociopolitique appose sa marque de fabrication sur les objets qu'il utilise.
La massue kanak à la forme du type "bec d’oiseau" est monoxyle: elle comprend un long manche et une tête triangulaire, pointue d’un côté et arrondie de l’autre, garnie en son milieu, de chaque côté, d’une boule en relief figurant l’œil. Le manche est parfois décoré d’une tresse de poils de roussette ou d'un
tressage en chevrons fait de fibres de coco.

la massue kanak à la forme de type "phallique" comprend une tête arrondie avec une collerette saillante, sur un long manche lisse avec à son extrémité un rebord en relief . Des gravures en chevrons sont généralement présentes sous la collerette et autour du manche, qui est parfois, comme pour les autres types de massues, parfois décorés de tressages.

Ces jupes de valeur sont en poils de roussette, ou en fibres végétales enroulées pour former des cônes. Leur fabrication demande de nombreux jours de travail et beaucoup de patience. Leur qualité esthétique dépend de la régularité et du parallélisme des franges. Elles sont échangées entre les femmes lors des cérémonies de naissance, mariage et deuil, et symbolisent la maison. Associées à une monnaie kanak, elles ont encore plus de valeur.

Le collier en perles de néphrite (abusivement appelé jade) caawe (langue Nemi), lié à un écheveau en poils de roussette, figurait parmi les richesses les plus prestigieuses, détenues par les épouses et les filles de chefs. L'écheveau en poils de roussette, hîjuk (langue Nemi), animal respecté par les Kanak, représentait aussi une importante monnaie d'échange : plus l'écheveau était long, plus grande était sa valeur.

Le masque, aussi appelé costume, de deuilleur kanak
Le masque est constitué de trois parties: la figure en bois sculpté, la coiffure, et le manteau de plumes.
La figure est sculptée dans un bois plus ou moins dur selon les régions. Elle est taillée d’une seule pièce dont l’intérieur est creusé afin de s’ajuster au visage du porteur. Des trous sont percés sur son pourtour afin de permettre l’accrochage de la coiffe au-dessus et du manteau en dessous. La partie représentant la bouche est la seule partie évidée de la figure, le porteur regardant par cette ouverture. Quand elle est munie de dents, celles-ci sont ajourées et peintes en blanc. Les lèvres, lorsqu’elles existent, sont généralement rouges. Pour les figures du sud, la bouche se borne à une simple ouverture de forme rectangulaire, parfois ornée de graines rouges (Arbrus precatorius) sur son pourtour.
La coiffure est constituée d’une armature de tiges végétales fixées sur le haut de la figure de bois, recouverte ensuite d’écorces battues (tapa) sur lesquelles sont cousus des cheveux humains ayant appartenu aux deuilleurs et, parfois, des tresses de poils de roussettes. Au sud, ce sont des racines de fougères qui font office de chevelure et de barbe. La coiffure est parfois ornée d’aigrettes de plumes ou d’une porcelaine blanche.
Le manteau est fait d’un filet de pêche entièrement recouvert de plumes de notou (Ducula goliath) dans lequel sont ménagées deux ouvertures pour les bras. Il couvre le porteur jusqu’aux genoux.

Au nord de la Grande Terre, le masque est étroitement lié à la chefferie qui s’en trouve dépositaire mais il est sous le contrôle d’une lignée déterminée à qui en est confiée la fabrication.. Chaque matériau qui le compose renvoie à des symboles marquant la position du chef dans la société. Le masque fait donc son apparition dans les grandes cérémonies d’échanges et dans les rituels de deuil du chef. Le jour de la levée de deuil du chef le masque surgit de la brousse porté par l’un des membres du groupe des deuilleurs apparaissant alors comme substitut du chef défunt. Ainsi le masque constitue le lien symbolique entre le monde des vivants représenté par le chef et celui des morts : le monde sous-marin évoqué notamment par le filet de pêche.
Au sud de la Grande Terre, où le masque semble être l’objet d’une introduction récente, il était totalement absent des rituels de deuil. Il était plutôt utilisé comme instrument de jeux et dans les pratiques magiques liées à la guerre

Clermont Ferrand, 2012


Musée Bargoin à Clermont Ferrand

L'entrée du Musée Bargoin. Photo IPKD/ Roger Boulay (tous droits réservés)
Clermont Ferrand, 9h30 devant l’imposante porte vitrée, fer forgés, poignées de bronzes reluisants au petit soleil de ce frais matin auvergnat. De charmantes conservatrices, attachées de conservation, chargées de collections, apparaissent derrière la grille : clés, alarmes, loquets et sécurités enlevés nous pénétrons dans un hall furieusement hôtel bourgeois Napoléon III : marbres, escalier monumental aux rampes cuivrées, allégories des Arts et des lettres, parfums de cire et de nettoyeurs de sols.

Tout ça tout de même agrémenté d’images de notre époque : illustrations enfantines, titres et signalétiques avenantes… Deux univers étrangers l’un à l’autres comme des épaisseurs archéologiques en voie de constitution.

Photo IPKD / Roger Boulay (tous droits réservés)
A la fin du XIX eme siècle Jean Baptiste Bargoin lègue une bonne part de sa fortune à la ville de Clermont qui entreprend de construire un musée. On l’inaugure en 1903 avec chapeaux haut de forme, robes à larges dentelles, rubans, peut-être des ombrelles. Ces Messieurs de l’Académie clermontoise au premier rang.
Masque du musée Bargoin. Photo IPKD / Roger Boulay (tous droits réservés)

Jean Baptiste Bargoin est un passionné d’archéologie : il lui tardait de voir les importantes collections de la ville montrées comme il leur sied. Vercingétorix et les ancêtres Arvernes hantaient sans doute ses nuits lui rappelant sa promesse : « chers objets je vous montrerai à votre avantage ». Tout ceci se situait en plein regain de la fierté gauloise. La même année on inaugurait le Vercingétorix équestre de Bartholdi sur la place principale.

Ce pharmacien, associé à son collègue Lecoq qui devint le premier directeur du Muséum d’histoire naturelle, fit fortune dans la distribution planétaire de son succédané de café dont la marque in extenso est : «  Café de glands doux d’Espagne de Lecoq et Bargoin ». Le bâtiment de Dionnet est très genre académie des beaux arts.

Mais nous étions là pour d’autres raisons.

Très beau laçage d'un porte lame ( collection du Musée Bargoin à
Clermont Ferrand ) Photo Roger Boulay (tous droits réservés)

J’avais reçu de ces dames un extrait de leurs registres d'inventaires anciens : "musées de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)", Clermont, typographie de Paul Hubler, rue Barbançon, 2. 1861, la mention suivante : "P. 170 : 300. PUNCHO, chasuble d'un ecclésiastique d'Océanie, en écorce d'arbre peinte. Envoyé par l'évêque d'Amatha. Donné par Melles du Crozet.Qui me fit l’effet d’un tonnerre de Brest dans les cieux des collections d’objets kanak. !

Emotion… L’évêque « d’Amatha », dit aussi Guillaume Douarre, fut un des premiers missionnaires catholiques en Nouvelle Calédonie et son premier évêque. 

Travail au Musée Bargoin. Photo IPKD/ Roger Boulay (tous droits réservés)
Nous ne retrouverons pas le poncho / chasuble mais nous pouvions enregistrer masques, calebasses, sagaies, massues et quelques autres menus objets. La présence de ce nom en ces anciens inventaires ne nous étonna pas puisqu’il fut curé d’une paroisse voisine de Riom (voir Yssac la Tourette).


Roger Boulay

Toute l'équipe de l'I.P.K.D. adresse ses remerciements à mesdames Christine Bouilloc, directrice du Musée Bargoin, Maurine Nicolaï et Marie benedicte Seynhaeve.